A travers le regard de 40 étudiants en agronomie, on découvre la dure réalité des exploitations familiales, les avantages et les inconvénients d’un modèle agricole universel.
Les experts s’accordent pour dire que le concept « agriculture familiale » reste difficile à définir tant la réalité varie d’une partie du monde à une autre. De manière générale, on en parle lorsque l’agriculture repose sur une main d’œuvre essentiellement familiale. Les chiffres indiquent qu’elle emploie à ce jour plus de 40% des actifs et produit à elle seule 80% de l’alimentation familiale.
Qui sont les acteurs de cette agriculture familiale dont nous dépendons totalement ? Comment sont-ils organisés, à quelles difficultés sont-ils confrontés, quelles sont leurs capacités d’adaptation et d’innovation ? Voilà les questions auxquelles le documentaire « Ceux qui sèment » tente de répondre.
Le film du jeune réalisateur Pierre Frometin a été projeté le 27 septembre à l’Institut français à Yaoundé en présence d’une forte délégation d’étudiants français en agronomie en stage au Cameroun. Le film nous amène en Inde pour l’Asie, en France pour l’Europe, au Cameroun pour l’Afrique, en Equateur pour l’Amérique du sud et au Canada pour l’Amérique du nord.
Agriculture de subsistance
Ce qu’il faut retenir de ce documentaire fouillé et à la photographie à couper le souffle, c’est qu’il existe plusieurs agricultures familiales. A travers l’exemple de la France et du Canada, on constate que l’agriculture familiale en occident est bien structurée et mécanisée. Ce qui permet aux exploitants d’avoir un certain rendement.
Dans les pays en développement, on est face à deux tendances. Il y a d’un côté de très grandes exploitations familiales, des agriculteurs organisés en coopératives pour faciliter l’écoulement de leurs produits comme c’est le cas dans l’état du Gujarat en Inde où les agriculteurs ont réussi à avoir l’appui du gouvernement. Mais à côté au Cameroun comme en Equateur, on note la persistance d’une agriculture de subsistance à très faible rendement.
Innovation et adaptation
S’il est un hommage à ces acteurs de l’ombre, « Ceux qui sèment » montrent aussi les difficultés des seigneurs de la terre. En plus des obstacles financiers, la conjoncture sociale influence la pratique agricole.
En Bretagne, la filière porcine est fortement concurrencée par l’importation massive des protéines des Usa. De 180 exploitations dans les années 80, il ne reste plus que 45 aujourd’hui. Le cours du café a considérablement chuté, occasionnant des méventes chez les caféiculteurs camerounais. Dans le Nord, les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont courant.
Mais, les agriculteurs filmés par le documentaire ne sont pas des acteurs passifs. Ils savent aussi s’adapter à leur milieu. Beaucoup ont compris que l’autosuffisance alimentaire passe aussi par la diversification des cultures, l’association de l’élevage à l’agriculture pour certains.
55 minutes d’enquête trépidante qui s’achèvent sur une note d’espoir. En occident comme en Afrique et les autres pays en développement, l’agriculture est confrontée au vieillissement de sa main d’œuvre. La question de la relève se pose avec acuité. Mais, le fait que ce documentaire soit réalisé par des jeunes dans le cadre d’une formation est déjà un signal fort. La relève est en train de se préparer.
Elsa Kane Njiale